La police lucernoise devrait avoir le droit d’utiliser des chevaux de Troie pour empêcher des infractions. Cela reviendrait à lui donner plus de compétences qu’aux procureurs ou au service secret national.

Le droit à la sphère privée est garanti par la constitution. Tout individu a le droit de déterminer lui-même quels faits il veut communiquer à ses semblables ou à un cercle choisi d’entre eux. Si l’Etat écoute sans se faire remarquer et apprend ainsi des secrets comme par exemple des maladies et des penchants sexuels mal vus mais légaux, il s’agit d’une atteinte grave à un droit fondamental, qui n’est licite que dans des cas exceptionnels.
Actuellement, il y a un débat au niveau national sur le point de savoir quand une telle atteinte doit être possible pour empêcher des infractions (déterminées) :
La révision de la LSCPT récemment adoptée donne aux autorités de poursuite pénale la possibilité d’utiliser des chevaux de Troie pour capter la communication électronique afin d’éclaircir des infractions graves. Comme les actes préparatoires de certains délits comme le meurtre ou le brigandage sont eux-mêmes érigés en infractions et qu’en vue de leur poursuite pénale, une surveillance au moyen de chevaux de Troie peut être ordonnée, les nouvelles compétences des autorités de poursuite pénale relèvent absolument de la prévention. Il en va de même des mesures de surveillance secrète que pourrait prendre le service de renseignement de la Confédération (SRC) et sur lesquelles le peuple a voté le 25 septembre. La loi sur le renseignement (LRens) prévoit que le SRC pourra surveiller le trafic postal et les télécommunications ou pénétrer dans des systèmes informatiques dans le but d’empêcher des activités terroristes ou un service de renseignement interdit et d’en éviter la prolifération.
Face à cette compétences, on n’arrive pas à croire à la nouvelle réglementation prévue par le projet de loi sur la police du canton de Lucerne : selon le § 15d de ce projet, la police lucernoise devrait avoir le droit, pendant la phase préparatoire des procédures pénales, c’est-à-dire en l’absence même de soupçons d’une infraction, d’inspecter des plateformes de communication verrouillées d’Internet, au moyen d’un « software spécial » (comprendre : cheval de Troie). Cela, par exemple lorsqu’il existe des « indices suffisants » qu’une « infraction grave », en particulier contre le « patrimoine » ou l’« intégrité sexuelle » pourrait être commise, notamment en cas de « hooliganisme ou autres débordements lors de manifestations » ou de « graves dépravations matérielles ».
Dans les explications relatives au projet lucernois, il est prétendu que les compétences de surveillance de la police lucernoise iraient moins loin que celles du ministère public. Cette affirmation se base sur le fait que le § 15d du projet contiendrait, dans sa liste, moins d’infractions ouvrant la voie aux mesures de surveillance que l’art. 269 CPP. Une lecture plus attentive révèle toutefois que l’affirmation procède d’une fraude – assez grossière – sur les étiquettes. Les actes préparatoires d’infractions sexuelles ou d’infractions contre le patrimoine (y compris les dommages à la propriété) ne sont pas punissables. Toutefois, les autorités de poursuite pénale n’ont pas le droit d’entreprendre des mesures secrètes de surveillance dans ce domaine. Il en irait de même du SRC.
La révision de la loi sur la police donnerait donc à la police lucernoise des compétences de surveillance même la LSCPT ou la LRens n’ont pas prévu. Reste à espérer que les responsables politiques reconsidèreront ce projet de loi mal équilibré et imprécis qui menace fortement la liberté.

Comité des Juristes Démocrates de Lucerne
plaidoyer 5/2016