Les JDS soutiennent activement le référendum contre la base légale de l’observation des personnes qui touchent des prestations des assurances sociales. Un des motifs de lutter contre ce projet, c’est, pour nous, les compétences trop larges dont bénéficieraient des assurances (même parfois privées).

 

L’art. 43a LPGA révisée prévoit qu’un assuré peut être observé secrètement et qu’à cette fin, des enregistrements visuels et sonores peuvent être effectués et des instruments techniques pour le localiser peuvent être utilisés si des indices concrets laissent présumer qu’il perçoit ou tente de percevoir indûment des prestations ou si, sans mesure d’observation, les mesures d’instruction n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles.
La compétence d’ordonner l’observation appartient à une personne assumant une fonction de direction. Une approbation par le tribunal administratif cantonal n’est prévue que pour le recours à des instruments techniques visant à localiser un assuré (par exemple, un GPS tracker).
La teneur de cet article correspond presque exactement à celle de l’art. 282 al. 1 CPP qui n’exige pas d’autorisation du tribunal des mesures de contrainte et attribue aux seules autorités de poursuite pénale la compétence d’observer des personnes se trouvant dans des lieux accessibles au public et d’effectuer des enregistrements visuels ou sonores.
Il y a cependant une différence en ce sens que la LPGA révisée permettrait aussi l’observation d’une personne se trouvant dans un lieu « librement visible » depuis un lieu accessible au public, comme par exemple un jardin, une entrée de maison ou l’intérieur d’un logement par les fenêtres (l’usage de drones n’étant pas exclu pour ce faire). En revanche, en vertu des art. 282 al. 1 et 280 let. b CPP, il n’est pas permis au ministère public de charger la police d’une observation en des lieux non accessibles au public. Le CPP ne prévoit en effet une observation sans autorisation judiciaire qu’en des lieux publics (places publiques, véhicules servant au transport public, nature, restaurants, etc.). Pour des enregistrements audio et vidéo à effectuer en un lieu non public, le ministère public a toujours besoin d’une autorisation judiciaire. Cela signifie alors aussi qu’une personne assumant une fonction de direction d’une assurance aurait non seulement autant de compétences que le ministère public, mais qu’on lui donnerait, en matière d’observation du domaine privé, la compétence décisionnelle d’un tribunal.
Même les conditions à remplir pour le recours à des instruments techniques visant à localiser une personne sont plus strictes dans le CPP que dans la LPGA révisée (voir art. 281 et 269 CPP).

On s’attendrait à ce que les exigences concernant la suspicion initiale qui fait apparaître une observation comme nécessaire soient plus restrictives en droit des assurances sociales qu’en droit pénal. Or, la personne inculpée en procédure pénale jouit des droits de la défense tout comme du droit de se taire ou de ne pas fournir d’éléments à charge. En droit des assurances sociales, en revanche, l’assuré a un devoir légal de collaborer, ce qui signifie que les assurances peuvent parvenir par des moyens nettement plus doux aux informations qui conduisent à un droit à une prestation. La jurisprudence sur ce point n’a cependant pas été très exigeante jusqu’ici.
Cette jurisprudence apparaît aussi problématique en ce qui concerne l’utilisation des preuves résultant de l’observation privée dans une procédure pénale ultérieure.

Ces pouvoirs étendus des assurances entrent aussi en conflit avec la répartition étatique des compétences censée notamment empêcher que des privés surveillent d’autres privés. Du reste, l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale (ou de l’aide sociale) est une infraction pénale (art. 148a CP) et peut être instruite sous cet angle. En outre, en matière d’observation, la LPGA révisée ne fixe pas d’exigences minimales telles qu’il le faudrait pour que le principe de la proportionnalité, applicable aux autorités de poursuite pénale, puisse être respecté.
La lutte contre les abus semble une fois encore être voulue davantage prioritaire que la protection de la personnalité ou de la sphère privée.

Melanie Aebli, secrétaire générale des JDS

plaidoyer 3/2018

Pour plus de détails, voir notamment Thomas Gächter / Michael E. Meier, Observation – ein Rechtsinstitut unter Beobachtung, in : Jusletter 11 décembre 2017